Pourquoi j'ai interrogé 4 photographes animaliers ?
Les photographes animaliers sont en première ligne pour témoigner des bouleversements subis par la Nature. Plus ces photographes animaliers sont connus, plus leur impact pour sensibiliser à la protection du vivant est important. C'est pour cela que beaucoup d'entre-eux s'engagent de plus en plus fortement.
Leurs images sont souvent sources d'émerveillement et d'admiration pour vous, photographes ou amoureuses et amoureux de la Nature. Je sais que leur démarche aussi vous inspire.
Et vous avez raison...
En trente ans les effectifs d'Insectes ont dégringolé de 80 % en Europe (1). Dans la même période en France, le nombre d'oiseaux a chuté de 30 % en ville comme dans les campagnes (2). Ouch, ça fait mal. Entre la disparition des habitats, le dérèglement climatique, les pollutions, la surpêche et la chasse, animaux et plantes sont soumis à rude épreuve.
Face à cela il y a deux attitudes possibles. La première n'est pas une option, c'est le découragement et le fatalisme. La seconde est magistralement résumée par Vincent Munier qui explique son intention photographique avec la Panthère des neiges :
Célébrer la beauté plutôt que creuser le désespoir
vincent Munier - à propos de "La panthère des neiges"
Je discute avec beaucoup de photographes amateur·e·s et j'entends souvent que ce qui vous ferait le plus plaisir serait de pouvoir sensibiliser au respect de la Nature grâce à vos images. Bravo ️:-)
Mais pour cela, vous vous dîtes qu'encore faut-il avoir des photos que le permettent... Et je sais ce que vous pouvez penser : "mes images ne sont pas assez bonnes pour cela", "d'autres le font tellement mieux...". Et au-delà des images il y a le fameux "c'est un si petit geste, est-ce que ça sert vraiment ?".
Tout cela ressemble fort à de fausses croyances qui vous empêchent de voir ce qu'il peut y avoir d'utile et de bon dans vos photos.
C'est pour cela que je veux aujourd’hui vous envoyer ces ondes positives : photographiez, allez au-delà de la pure démarche esthétique et diffusez vos images avec une intention particulière. Pas besoin d'être un as du déclencheur pour cela.
Si ce sont des photographes de renom qui vous le disent, est-ce que ce sera plus convainquant ?
J'ai donc posé pour vous cette question à quatre d'entre-eux :
" Que répondrais-tu à une personne qui te dirait qu’elle est passionnée par la photo et très sensible à la protection du vivant, mais qu’elle ne sait pas comment concilier les deux ? "
Voici les réponses des photographes animaliers :
Thomas Jean nous montre avec sa chaîne "La Minute Sauvage" que le vivant est aussi beau en ville qu'à la campagne. Photographe et documentariste de talent, son travail a été récompensé au prestigieux festival du film de Namur. Thomas Jean est l'auteur d'un livre unique de photos animalières urbaines : "coexistence".
thomas jean | belgique (BRUXELLES)
Faites passer le sens avant l'esthétique
La photographie animalière est pour moi l'outil idéal qui permet de sensibiliser à la préservation de la biodiversité de manière générale.
Le simple fait de documenter la faune et la flore sauvage qui nous entourent directement y participe. La qualité photographique importe peu, du moment que le message transmis soit pertinent. Cela peut passer par de l'émerveillement, de la militance ou encore de la vulgarisation.
En tant qu'observateur privilégié de la faune sauvage, je considère que l'on a une responsabilité et qu'il est important d'avoir une démarche photographique qui a du sens. Juste faire des photos pour dire : "Regardez comme c'est beau" ça a été fait pendant des décennies et tant mieux. Aujourd'hui, la situation a changé.
Nous sommes face à un effondrement de la biodiversité qui est visible même au niveau local. Donc il ne faut pas hésiter à le partager par le biais de la photo animalière, ce qui participera à une évolution des mentalités. La qualité photographique n'est vraiment pas le sujet, c'est pour moi la connaissance qui prime aujourd'hui.
Régis Moscardini est le créateur du site web de photographie animalière Auxois-Nature. Formateur, il accompagne aujourd'hui les photographes qui veulent transformer leur passion en activité professionnelle. Ses trois moteurs au quotidien : les animaux, la photo et le partage des connaissances.
régis moscardini | france (bourgogne)
Passez à l'action
La première chose que je voudrais vous dire :
1 vaut mieux que 0.
Cette phrase est aussi puissante qu’elle est courte. Je l’aime beaucoup et elle m’aide toujours quand je doute au moment de passer à l’action, comme publier une photo.
Il vaut mieux faire un tout petit peu que pas du tout. Ce tout petit peu aura toujours un impact, même s’il est minime. Ce qui sera toujours ça de fait pour sensibiliser le grand public à la protection du vivant.
Ensuite, ce que je pourrais vous dire c’est : le photographe n’est jamais la meilleure personne pour juger de la qualité de ses propres photos. Il doit avoir son point de vue, évidemment, mais ne pas lui donner trop d’importance. Et encore moins se contenter uniquement de celui-ci.
Vos images ne vous semblent pas être assez bonnes ? C’est en effet ce que vous pensez… mais c’est loin d’être la réalité. Pour s’en rapprocher, le meilleur moyen est de publier ses photos pour les confronter aux avis des autres. C’est comme ça que vous pourrez progresser et avoir encore plus d’impact sur ce qui vous préoccupe : la protection du vivant.
Michel d'Oultremont est aussi à l'aise dans l'Ardenne que dans l’Himalaya ou le Yellowstone. Tout en nuances et jeux de lumières, ses images font la part belle à l'environnement de l'animal. Elles ont été multi-primées et Michel d'Oultremont a notamment reçu par deux fois le prix de l'étoile montante du prestigieux Wildlife Photographer of the Year.
Michel D'oultremont | belgique (ardenne)
Allez au-delà de la photo
Je pense que toutes les images peuvent servir à la protection.
Il faut les proposer à des associations près de chez vous, les associations à but non lucratif locales qui aident à la protection.
Et si cela ne les intéresse pas où qu'elles trouvent les images pas assez qualitatives, on peut toujours se retrousser les manches et aider dans les gestions et les travaux de conservation de la faune et de la flore.
Il y a 1000 façons de se rendre utile et souvent l'image ne suffit pas. Alors on peut donner quelques heures de son temps pour aider des réserves naturelles, des centres soins et bien d'autres encore.
Il y a quelques semaines j'ai interrogé Olivier Gutfreund sur son travail. Évidemment le sujet de la protection de la Nature est arrivé dans la conversation :
Oliver Gutfreund est un photographe-naturaliste qui "travaille ses sujets à fond". Ses récentes séries sur le Grand-duc et le Castor illustrent bien cette approche qui lui a permis de collectionner les récompenses dans les grands festivals : Montier, Namur, Rambouillet, Baie de Somme...
Olivier gutfreund | france (alsace)
Dîtes merci à la Nature
Donner mes images aux associations naturalistes c'est ma manière de dire merci à la Nature.
La photo nature c'est une passion par plaisir et pour protéger cette Nature.
Alors souvent je donne mes photos à des associations de protection pour des calendriers par exemple. Comme au GORNA (centre de soins nord-Alsace).
C'est ma manière de dire merci à la Nature de m'avoir fait ce cadeau et de me laisser en profiter. Par l'intermédiaires de celles et ceux qui la protègent et que je trouve admirables.
Découvrez en vidéo l'interview complète d'Olivier qui nous parle de son approche photo.
J'espère que ces témoignages seront inspirants et feront s'envoler toute hésitation : donnez du sens à vos images, lancez-vous sans complexes et allez au-delà de la photo en soutenant les associations de protection et les scientifiques qui ont besoin de vous.
L'ASPAS lance d'ailleurs un appel :
"Depuis de nombreuses années, l'ASPAS s'entoure de photographes naturalistes engagés, des personnes respectueuses du Vivant et à l'éthique irréprochable qui aident notre association à dénoncer les nombreuses injustices subies par les animaux sauvages en mettant à notre disposition -gratuitement- leur photothèque. Merci à elles, merci à eux ! Si vous aussi vous souhaitez nous prêter vos images, contactez-nous : remi@aspas-nature.org. Nous recherchons particulièrement des vidéos naturalistes !"
Vous pouvez aussi contribuer aux programmes photo de sciences participatives comme le SPIPOLL (suivi des Insectes pollinisateurs) ou le Project-Pressure (suivi photo des glaciers et des écosystèmes associés, site en anglais uniquement). Un mélange d'art, d'observation naturaliste, de science et de photo. Que demander de plus ?
Alors à vos appareils et faites de bonnes images
Un grand merci à Michel d'Oultremont, Thomas Jean, Régis Moscardini et Olivier Gutfreund 🙂
Très fier de faire partie de cette sélection et merci de m’avoir solliciter David.
Tu as eu là une riche idée et j’espère que ça va aider tes lecteurs
Un grand merci à toi Régis de nos rappeler que le plus important c’est de faire, de passer à un moment à l’action 👍️