La pollution lumineuse est une grosse difficulté en photo de paysage de nuit, mais pas que...
Une des clés pour réussir une belle photo de paysage de nuit est de se débarrasser de la pollution lumineuse.
Il s'agit de toute la lumière artificielle, produite par les éclairages publics et autres enseignes commerciales, qui inondent le ciel nocturne. Certes, en tant que photographe cela complique nos photos de nuit. Mais s'il n'y avait que cela, ce serait un moindre mal.
La pollution lumineuse affadit aussi le ciel nocturne pour beaucoup de monde. À Paris quelques dizaines d'étoiles seulement sont visibles. L'émerveillement et la connexion à l'espace que procure un beau ciel de nuit rempli d'étoiles a disparu depuis belle lurette des grandes agglomérations.
Mais ce n'est même pas le pire avec la pollution lumineuse... Elle ne détruit pas seulement la magie de nos nuits.
Elle a aussi un très fort impact sur la faune et la flore, humains compris. Elle est à l'origine de la disparition de plantes sauvages et de milliers d'Insectes.
L'éclairage nocturne pollue nos rêves, prive le vivant de l'obscurité indispensable à beaucoup d'espèces et dérègle nos propres cycles circadiens. Et accessoirement elle pourrit la vie des photographes de paysages nocturnes.
Dans cet article vous allez donc découvrir quelques astuces pour minimiser la pollution lumineuse, au moins sur vos photos 😉
Et vous pourrez écouter l'interview de Carole Reboul : elle est devenue une militante de la nuit. Photographe professionnelle, elle a notamment publié "Il était une fois la nuit" aux éditions de la Salamandre.
Elle vous explique sa pratique photo, sa passion et son combat pour le ciel nocturne.
10 conseils techniques pour réussir vos photos de paysage de nuit.
Inclure la pollution lumineuse dans vos images de paysages de nuit peut être un parti pris esthétique ou documentaire (ou les deux à la fois).
Le plus souvent toutefois, vous allez essayer de minimiser ces lumières qui viennent parasiter le ciel nocturne de vos photos. Voici ce que vous pouvez faire pour cela :
1. Choisissez un spot photo le plus noir possible
Le meilleur moyen de limiter la pollution lumineuse sur vos paysages nocturnes est évidemment de choisir pour vos photos un site le plus adapté possible : loin d'une grande ville et en tournant le dos aux principales sources de lumières artificielles de la région.
Pour cela, vous pouvez consulter les cartes de pollution lumineuse comme celles d'Avex ou de light pollution map.
Pour vous placer au mieux et choisir le bon moment, votre smartphone peut vous être d'un grand secours.
Mais dans nos contrées, même en choisissant ce site avec soin, vous aurez sans doute de la pollution lumineuse sur vos images : ces halos orangés plus ou moins prononcés partant de l'horizon et s'étendant vers le haut du ciel.
Il va vous falloir tenter de la gommer au mieux.
2. Retouchez vos photos à partir des fichiers raw
Pour améliorer au mieux vos photos de paysages de nuit, réglez votre appareil pour qu'il conserve les fichiers raw. Ce sont les données brutes de capteur qui vont vous permettre un post-traitement efficace sur l'ordinateur.
Il existe des techniques complètes mais un peu complexes nécessitant d'utiliser des logiciels de retouche comme Gimp (gratuit) ou Photoshop (abonnement payant), pour ne citer que les plus courants.
Heureusement vous pouvez aussi obtenir des premiers résultats très convaincants en trois coups de molettes de la souris avec darktable (logiciel de post-traitement libre). C'est ce que je vous montre dans la vidéo ci-dessous :
Vous pouvez télécharger librement darktable, le logiciel de post-traitement que j'utilise dans la vidéo.
3. Essayez un filtre anti-pollution lumineuse
La pollution lumineuse est causée par les éclairages artificiels qui balancent leurs lumières dans le ciel nocturne : placer devant votre objectif photo un filtre qui coupe spécifiquement les longueurs d'ondes de ces éclairages va donc limiter fortement leur impact sur vos images.
C'est en tout cas le principe de ces filtres qui absorbent les longueurs d'ondes polluantes. Ce n'est pas magique, mais les résultats sont très intéressants.
Vous pouvez tester le très populaire "starscape" de chez Hoya, qui présente l'avantage de rester dans des tarifs abordables.
4. Réglez votre balance des blancs sur "lumière du jour"
Bien sûr vous pourriez être tenté de limiter l'aspect jaunâtre/orangé disgracieux de la pollution lumineuse dans le noir des ciels nocturnes en modifiant la balance des blancs directement sur l'appareil photo.
Par exemple en réglant cette balance vers 3500 K pour simuler une exposition de votre scène par un éclairage artificiel (ce qu'est justement la pollution lumineuse).
Mais vous risquez alors des dérives de couleurs dans les autres parties de l'image (paysage, Voie lactée...).
Et de toute façon, si vous suivez le conseil n°2 (shootez en raw) la balance couleur réglée sur l'appareil photo n'a aucune espèce d'importance car vous pourrez l'affiner au post-traitement. En la réglant alors vers 5500 - 6000 K.
Donc à la prise de vue si vous ne prenez vos images qu'en jpeg, le réglage de balance couleur le plus sûr sur l'appareil reste encore "lumière du jour".
Voilà, ça c'est dit 😉
5. Évitez la présence de la Lune
La nuit, souvent la lune éclaire le ciel et réfléchit également de la lumière vers le sol et le paysage (première lapalissade de cet article...). L'effet peut être intéressant, car cet éclairage rend la partie terrestre de votre photo plus présente sur l'image.
Si la Lune n'est pas en elle-même un élément important que vous voulez intégrer à votre composition nocturne, elle pose problème : sa lumière est très vive par rapport à celle des étoiles et va donc faire disparaître nombre d'entre elles de votre photo.
Alors faut-il éviter les photos de nuit lorsque la Lune est très présente ? Eh bien... ça dépend.
À vous de choisir en connaissance de cause : si vous voulez une photo de ciel étoilé avec la Voie lactée par exemple, choisissez une nuit sans Lune. Si à l'inverse vous souhaitez privilégier la partie terrestre dans l'image il peut être intéressant de prendre votre photo lorsque la Lune réfléchit une bonne dose de lumière.
Gardez en tout cas à l'esprit que la lumière additionnelle de la Lune va compliquer la soustraction de la pollution lumineuse de votre paysage nocturne.
Pour tout savoir des phases de la Lune, du soleil et de la Voie lactée et ainsi programmer en toute connaissance de cause votre séance de prise de vue, vous pouvez utiliser Photo Pills, une très bonne application pour smartphone.
6. Ne montez pas trop dans les ISO
Les photos de nuit nécessitent forcément d'augmenter les ISO. Le ciel nocturne ne se laisse pas capter sans quelques concessions de ce côté. Mais ne poussez surtout pas la sensibilité au maximum : vous allez transformer vos photos en bouillie de paysage et amplifier la pollution lumineuse pour rien.
En effet, en photo de paysage de nuit, le but n'est pas d'avoir la bonne exposition dès la prise de vue. Vous réglerez ça ensuite en post-traitement.
Augmenter la sensibilité n'a donc PAS pour objectif de faire apparaître votre scène comme vous la voudriez sur la photo finale. Ça c'est vrai pour les paysages de jour en lumière normale. Pas la nuit.
Le but de la montée en ISO est juste de distinguer assez clairement les éléments de la photo sur la miniature à l'arrière de l'écran, pour pouvoir rectifier la composition et la mise au point si nécessaire.
Des valeurs comprises entre 1600 ISO et 3200 ISO sont en général suffisantes pour y voir quelque chose.
7. Sortez votre objectif à plus grande ouverture
Pas de secret : plus votre objectif sera doté d'une grande ouverture, plus vous pourrez faire entrer de lumière dans l'appareil photo (lapalissade n°2).
C'est cette quantité de lumière qui va déterminer le niveau de bruit de vos photos : plus il y aura de lumière frappant le capteur de votre appareil plus vous pourrez efficacement éviter la pollution lumineuse, et moins vous aurez de bruit sur vos images.
Pas de lien direct donc avec la sensibilité qui n'est qu'une amplification du signal et n'a pas d'effet sur la quantité de lumière entrant dans l'appareil photo.
Si vous avez un objectif grand-angle à ouverture f/1.8 ou f/1.4 vous avez le top. Mais si votre objectif n'a une ouverture "que" de f/2.8 ou f/4, aucune raison de ne pas tenter quand même des photos de paysage de nuit !
Il vous faudra juste allonger encore les temps de pose et augmenter (un peu...) la sensibilité ISO. mais vous pouvez sortir de belles images avec n'importe quel objectif (surtout si vous appliquez le conseil n° 10).
Dans tous les cas, ouvrez simplement votre objectif au maximum. Tant pis pour les aberrations chromatiques et les petites déformations sur les bords de l'image. Le but n°1 est de capter le plus de lumière possible.
NB : cette remarque concernant l'ouverture maximale de votre objectif vaut aussi pour l'appareil photo et l'ensemble de votre matériel. Pas besoin d'un équipement haut de gamme pour se faire plaisir. La photo de nuit a un côté magique, quels que soient votre appareil et votre objectif, ne passez pas à côté 😉
8. Diminuez généreusement la vitesse d'obturation
La nuit votre vitesse d'obturation sera forcément basse. Les photos de paysage de nuit, comme par exemple les photos d'aurores boréales, sont le royaume des poses longues : de quelques secondes à plusieurs minutes. Allez-y à fond pour faire entrer un maximum de lumière.
Contrairement aux ISO ou à l'ouverture, impossible en revanche de vous donner une plage de vitesse à utiliser.
En effet, en photo de paysage de nuit la vitesse est LE paramètre d'exposition qui va donner son style à la photo : voulez-vous des étoiles bien nettes ou au contraire un filé ? Avez-vous un paysage éclairé par la lune au premier plan ? Y-a-t-il des éléments urbains avec de la lumière artificielle dans votre composition ? Bref, il y a autant de réglages de vitesse que de situations et d'intentions photo.
La seule chose que vous devez respecter est la règle du vitesse max = 500 / focale si vous voulez des étoiles nettes. Kézako ? Je détaille tout cela dans l'article sur la photo de Voie lactée.
9. Fuyez les ciels voilés
Lorsqu'ils sont présents, le voile atmosphérique et autres nuages résiduels agissent comme de formidables réflecteurs pour la pollution lumineuse.
C'est simple, ça en met partout !
Donc si vous voulez vous faciliter la tâche ensuite au post-traitement, choisissez des nuits bien claires.
10. Réalisez des séries et empilez vos photos
En photo de paysage de nuit, le plus important pour limiter le bruit et obtenir une image avec le plus de signal possible est de faire parvenir le plus de lumière possible jusqu'au capteur de votre appareil photo. Pour cela, la technique courante consiste à empiler des prises de vue multiples.
Le principe est simple : puisqu'il n'est pas possible de baisser la vitesse au-delà de 500/focale (au mieux...) sans avoir des étoiles floues, vous allez prendre plusieurs images et les combiner ensuite en post-traitement.
Si vous prenez 10 photos de 15 secondes puis que vous les empilez, vous obtenez un fichier contenant des informations enregistrées pendant 150 secondes : l'équivalent de 2 minutes 30 secondes de temps de pose 🙂
Idéal pour retravailler la photo, faire disparaître la pollution lumineuse et limiter le bruit numérique.
Rien de bien sorcier, je vous explique comment assembler vos photos dans l'article la photographie de Voie lactée.
Après ces 10 conseils je vous laisse maintenant en compagnie de la très inspirante Carole.
Faites de bonnes photos 🙂
Entretien avec la photographe pro Carole Reboul, militante de la nuit.
Il était une fois la nuit
Un livre à la fois militant, poétique et instructif, que je vous conseille vivement :
"À travers des photos empreintes d’onirisme et de poésie, accompagnées de textes riches et accessibles, cet ouvrage livre un vibrant plaidoyer esthétique et raisonné pour la préservation de la nuit. Il permet aussi de découvrir l’importance méconnue de l’obscurité pour la faune et la flore sauvage, mais aussi pour nous les humains."