Photographier les aurores boréales en France métropolitaine, c'est possible.
Dans cet article je vous donne toutes les infos pour vous préparer aux prochaines apparitions. Et si c'est dans le grand nord que vous avez prévu de vous rendre pour faire des photos d'aurores polaires, ça marche pareil 😉
Vous pouvez aussi regarder la vidéo que j'ai tournée sur le sujet :
Les aurores boréales, un phénomène naturel pas si rare.
Elles ne sont pas limitées au grand nord loin de là. Les aurores boréales peuvent aussi se former sous des latitudes plus basses lorsque l'activité solaire augmente. Mais c'est plus rare et elles ne préviennent pas très longtemps avant d'arriver.
Alors si vous voulez photographier une aurore boréale dans l'hexagone, mieux vaut être prêt et avoir anticipé leur venue.
Dans cet article je vous explique donc comment vous préparer pour ne rien manquer de ce magnifique spectacle de la nature. Et réaliser une inoubliable séance photo.
Comment se forment les aurores boréales ?
Le soleil éjecte en permanence des éléments chimiques dans l'espace. Ce sont des particules chargées électriquement qui forment les vents solaires.
Ces vents solaires excitent les éléments terrestres présents dans la haute atmosphère, en particulier l'oxygène et l'azote. En réponse, ces gaz émettent de la lumière : une aurore boréale se forme.
Quand ces vents arrivent à proximité de notre planète, ils déforment également le champ magnétique terrestre, qui les "guide" en haute atmosphère autour des régions polaires.
La déformation magnétique est d'autant plus importante que la force du vent solaire est élevée. Donc plus la tempête solaire est forte, plus la lumière produite descend bas en latitude.
Pour le dire simplement.
Où et quand photographier les aurores boréales ?
La probabilité d'observer une aurore boréale dépend directement de l'activité de notre étoile et des éruptions solaires. Plus le soleil est actif, plus il projette de particules dans l'espace, plus les chances de formation des aurores sont élevées.
Guettez donc les périodes de forte activité du soleil, pendant lesquelles les vents solaires sont prononcés. Ces pics d'activité sont plus intenses lorsque le soleil est au plus fort de son cycle, qui dure 11 ans environ.
Mais quel que soit le moment du cycle il est possible d'observer une aurore boréale aux plus hautes latitudes. En France ce sera plus compliqué...
Pour ne rien louper, je vous conseille d'installer une application comme My Aurora forecast. L'appli va vous alerter, et vous donner en permanence des indications sur la force des vents solaires qui touchent la haute atmosphère.
Cette force est donnée par l'indice Kp. Plus ce Kp est élevé plus la probabilité d'observer des aurores polaires augmente. Le maximum est de 9.
Cette valeur a été atteinte en France métropolitaine dans la nuit du 10 au 11 mai 2024 et a permis la réalisation des photos d'aurores boréales qui illustrent cet article.
Au niveau du cercle polaire arctique (ou antarctique), des Kp de 2 ou 3 seront suffisants pour voir et photographier les aurores boréales.
Si vous êtes adepte de voyages photo, prévoyez de vous rendre dans le grand nord autour de l'équinoxe de printemps, quand les nuits sont encore longues. En été le soleil de minuit vous interdira toute observation des aurores boréales...
En métropole, la saison a moins d'importance. Guettez l'activité du soleil pour être sûr de ne pas passer à côté. Contrairement à la Laponie, ce n'est pas toutes les nuits qu'on a une chance de voir les aurores.
Dans tous les cas, fuyez la pollution lumineuse des villes et agglomérations.
Trouvez un site dans lequel le phénomène lumineux de l'aurore ne sera pas perturbé par les éclairages humains. Un ciel nocturne le plus noir possible est donc idéal.
Pour localiser les meilleurs emplacements, vous pouvez vous aider des cartes de pollution lumineuse.
Évitez aussi les nuits de pleine lune si possible. Si l'aurore est de faible intensité la lumière de notre satellite naturel va en diminuer l'éclat.
Quel matériel photo pour aurores boréales ?
Choix de l'appareil photo
L'appareil photo que vous avez déjà fera sans doute parfaitement l'affaire, pourvu que vous puissiez l'utiliser en mode complètement manuel.
Si votre appareil vous permet d'enregistrer les fichiers RAW en plus des images jpeg de vos photos, c'est aussi un gros plus. C'est le cas de tous les reflex numériques et des hybrides modernes.
Évidemment, c'est avec un capteur de grande taille que vous récupérerez un maximum de lumière et que vous aurez les images les moins bruitées.
Si vous vous lancez dans la chasse aux aurores pour de bon, un achat peut se justifier. Ici j'ai utilisé un hybride canon EOS plein format.
Mais pour vous faire plaisir une première fois, pas besoin d'investir dans du nouveau matériel photo. Même un téléphone portable peut donner de belles photos. Il y aura du bruit numérique, mais ça fera des images.
Choix de l'objectif
Là encore, le zoom de kit de votre appareil en position grand angle fera parfaitement le job.
Certes plus votre objectif sera de bonne qualité et lumineux mieux ce sera, mais pour les aurores boréales vous n'avez pas besoin de matériel spécifique ni même haut de gamme. Il ne s'agit pas de photographier des objets compliqués comme des nébuleuses ou des galaxies.
Les photos qui illustrent cet article ont été prises avec l'objectif grand angle à grande ouverture que j'utilise pour photographier la Voie lactée et de ciel étoilé. Une focale fixe de 20 mm ouvrant à f/1.8 de chez Samyang.
Trépied et déclencheur à distance
Avec des temps de pose de plusieurs secondes, photographier les aurores boréales impose l'usage d'un trépied. Ça, vous n'y couperez pas. N'importe quel bon pied photo fait l'affaire. Pas besoin des engins de 10 kg supportant tempêtes et tremblements de Terre.
Une bonne rotule ou une tête trois axes adaptée au paysage sera tout de même d'un grand confort. Surtout si vous voulez photographier les aurores boréales en panorama.
Bien pratique aussi : la télécommande / intervalomètre. Elle va vous permettre deux choses :
- Déclencher les photos sans toucher à l'appareil et risquer de provoquer des vibrations.
- Réaliser vos photos en séries automatiquement
Vous pourrez alors régler votre appareil en mode rafale et bloquer la télécommande sur "on". Tant que vous laisserez la position enclenchée l'appareil prendra des photos.
Adaptez votre matériel au temps froid
Le plus souvent la photographie d'aurores boréales se réalise à des températures basses, voire très basses. Et ce sont aussi des sessions qui peuvent durer plusieurs heures.
Alors pour que votre séance de prise de vue ne tourne pas court il y a deux accessoires que vous devez absolument glisser dans votre sac :
- Au moins une batterie de secours. Ou carrément de quoi alimenter votre appareil photo depuis une batterie externe. Par temps froid les batteries se déchargent vite, ayez de quoi voir venir.
- Une bandelette chauffante à enrouler autour de votre objectif et de quoi l'alimenter. Sinon vous risquez de vous retrouver avec une lentille frontale pleine de buée au bout d'une heure ou deux.
Et pour vous, ne lésinez pas sur les couches de vêtements.
Lampe frontale ou lampe torche
Oui, vous allez évoluer dans la nuit noire... Donc il vous faut un éclairage d'appoint pour ne pas tâtonner autour de l'appareil. Et c'est aussi une question de sécurité.
Je ne vous conseille pas d'essayer d'économiser quelques euros sur votre lampe. Une bonne frontale ou une torche équipée d'une lumière rouge en plus de la LED blanche évitera de vous éblouir à chaque fois que vous l'allumerez.
Si vous êtes en groupe, la lumière rouge est obligatoire pour ne pas pourrir la séance des petits camarades 😉
Et comme pour l'appareil, prévoyez des piles ou de quoi recharger la batterie.
Comment organiser votre prise de vue d'aurore boréale ?
Bonne nouvelle : les réglages ne sont pas bien compliqués. Mauvaise nouvelle : il va falloir tout faire en mode manuel et dans le noir.
Mon conseil : entrainez-vous au moins une fois ou deux à vous mettre en place et à réaliser la prise de vue en conditions réelles. Les étapes à suivre sont, dans l'ordre :
- Pose du trépied (de niveau de préférence)
- Fixation de l'appareil
- Mise en place des éventuelles télécommande et bandelette chauffante
- Cadrage
- Mise au point sur les étoiles en utilisant le zoom de l'écran
- Modification de la luminosité de l'écran (à faire APRÈS avoir fait la netteté sur les étoiles)
- Prise de photo test
- Contrôle de l'exposition et de la netteté en zoomant sur l'écran
- Modification éventuelle des réglages ouverture / temps de pose / sensibilité ISO
- Envoi d'une série de photos avec la télécommande
- Rotation de l'appareil si vous voulez faire un panorama
C'est pas sorcier, mais si vous découvrez tout ça le jour J dans la pénombre il y a un fort risque pour que vous vous emmêliez les pinceaux. Ce serait dommage.
Et rangez toujours vos accessoires au même endroit dans votre sac. Une poche, toujours la même, pour les batteries de rechange et les piles. Une poche, toujours la même, pour les cartes mémoire. Etc. Ça peut paraître bête, mais de nuit il vaut mieux être bien organisé.
Quels réglages manuels pour des photos d'aurores boréales ?
Premier conseil, placez-vous complètement en manuel : mode M sur le sélecteur de modes de l'appareil et MF sur l'objectif pour désactiver l'autofocus. Idem si vous avez une stabilisation d'image interne et/ou dans l'objectif, désactivez tout.
Vérifiez bien que vous avez activé l'enregistrement des fichiers RAW en plus des JPEG (dans un menu qui souvent s'appelle "qualité d'image").
Et pré-réglez l'appareil tranquillement à la maison pour avoir le moins de choses à faire sur le terrain.
Réglage de la sensibilité ISO pour un ciel nocturne
La valeur ISO de la sensibilité va vous servir de variable d'ajustement de l'exposition. Commencez vos tests avec des valeurs autour de 1600 et ajustez en fonction des premiers résultats obtenus. Les photos présentées ici ont été prises à ISO 800.
Réglage de l'ouverture
Si vous avez un objectif à très grande ouverture, vous pouvez fermer un peu le diaphragme pour profiter d'une meilleure qualité d'image. Ici j'ai fermé à f/2.8 mon grand angle, qui ouvre au maximum à f/1.8.
Si votre objectif est moins lumineux, ouvrant par exemple au maximum à f/2.8 ou f/4, utilisez la plus grande ouverture possible (le chiffre f/ le plus petit).
Réglage de la vitesse d'obturation
Des temps de pose compris entre 5 et 10 secondes devraient vous donner de bons résultats.
Je vous déconseille d'aller au-delà de 10 secondes de temps d'exposition afin d'éviter tout filé d'étoile et de "figer" un minimum les aurores boréales.
Si les résultats avec ces valeurs sont trop sombres, mieux vaut augmenter la valeur ISO plutôt que baisser la vitesse d'obturation.
Sinon, vous allez vous retrouver avec un effet pose longue rendant l'ensemble du ciel diffus et vaporeux.
Mise au point manuelle sur les étoiles
Je vous conseille, comme pour une photo de nuit de type Voie lactée, de faire la mise au point sur les étoiles.
Pour cela, utilisez le liveview de l'appareil. Zoomez l'affichage 🔍 sur une étoile bien brillante et utilisez la bague de mise au point manuelle de l'objectif pour qu'elle soit la plus petite possible.
Vous devriez être très proche de la position infinie, sans toutefois l'atteindre complètement.
Une fois que c'est fait, diminuez au maximum la luminosité de votre écran pour les prises de vue et les contrôles de l'exposition qui arrivent.
Faites des photos test
C'est très important : vérifiez bien avant d'envoyer une série de photos que tout est bon. Exposition comme mise au point.
Faites aussi des photos en direction du nord (si vous êtes dans l'hémisphère nord...) même si vous ne voyez rien à l'œil nu. Les aurores peuvent être ténues, invisibles mêmes, mais être présentes et révélées par votre capteur.
Donc ne passez pas à côté juste parce que vous yeux ne sont pas aussi performants que votre capteur 😉
Comment composer une photo d'aurore boréale ?
Une image d'aurore boréale est essentiellement un paysage. Un paysage de ciel nocturne mais un paysage tout de même. Donc les mêmes principes de composition qu'avec la lumière du jour s'appliquent pour mettre votre sujet en valeur.
Vous pouvez bien sûr vous contenter de capter le ciel nocturne illuminé et vous aurez un très beau souvenir. Mais si vous voulez une bonne photo, qui raconte plus de choses, il va falloir ajouter du contexte.
Et c'est là que l'anticipation prend toute son importance pour ne pas avoir "juste" une aurore dans une photo un peu vide par ailleurs. Je vous conseille donc de lister à l'avance les meilleurs endroits où prendre vos photos.
Les aurores polaires préviennent très peu de temps à l'avance de leur arrivée possible. Si vous avez prévu une courte liste de spots intéressants cela vous évitera de tergiverser le jour J et vous permettra d'avoir un plan qui se déroule sans accroc ©.
Vous pouvez viser un élément naturel remarquable, un site patrimonial connu de votre région, un bord de plage... Tout élément qui sera photogénique cadré en direction du nord. Et ajoutez pourquoi pas une présence humaine dans votre composition.
C'est ce type de plan que je n'avais pas prévu dans la nuit du 10 au 11 mai 2024 faute de m'être tenu au courant de l'activité solaire. Je m'en suis un peu mordu les doigts...
Utilisation des éléments du paysage
Les aurores boréales présentent deux types de formes avec lesquelles vous pouvez jouer :
- des ondulations en forme de draperies qui parcourent le ciel plutôt "horizontalement"
- des raies lumineuses rectilignes plus verticales
Vous pouvez donc essayer de trouver des éléments du paysage complémentaires à ces formes ou au contraire qui leur répondent par leur similarité.
Dans l'urgence personnellement je n'ai rien trouvé de mieux que les jeunes blés se dressant verticalement et qui répondent aux raies lumineuses de l'aurore.
Je suis sûr que vous arriverez à être plus créatifs et créatives que cela 😉
Vous pouvez aussi jouer avec les couleurs. Les aurores boréales ont des teintes principalement vertes et rouges que vous pouvez essayer de complémenter harmonieusement avec des éléments bleus ou jaunes.
Importance du premier plan
Comme pour tout paysage de nuit vous allez sans doute réaliser vos photos des aurores boréales au grand angle.
Ce type d'objectif qui cadre très large est bien sûr génial, mais il a un défaut : il donne souvent beaucoup d'importance à l'avant-plan qui peut avoir l'air un peu vide.
Essayez donc autant que faire se peut se "remplir" ce premier plan.
Avec un élément remarquable, une ligne de fuite qui guide le regard, un personnage...
Quel post-traitement pour une photo d'aurore boréale ?
Bonne nouvelle : la phase de retouche ou de post-traitement est assez légère pour des photos de nuit. En tout cas bien plus facile que pour la Voie lactée par exemple.
NB : pour tirer le meilleur de vos photos en post-traitement, n'oubliez pas de sauvegarder les fichiers RAW.
Voici les quatre étapes simples que je vous conseille de suivre.
1. Réduction du bruit numérique
Si votre photo est bruitée, commencez par cela. Dans darktable l'activation du module "réduction de bruit (profil)" avec les réglages par défaut suffit largement.
Si vous utilisez Lightroom, dans l'onglet "détails" replacez d'abord le curseur de gain à 0. L'augmentation automatique de netteté accentue significativement le bruit numérique et ne sert à rien ici. Puis réglez la réduction de bruit avec le curseur "luminance". Allez-y doucement pour ne pas "lisser" l'image.
Inutile de vous lancer dans les améliorations par IA de Topaz, Dxo ou même Lightroom. Vous pouvez tester si vous possédez ces outils, mais c'est parfaitement optionnel pour des photos d'aurores boréales.
2. Ajustement de l'exposition
Utilisez des masques pour ajuster précisément l'exposition du sol par rapport à celle du ciel. Je vous montre comment faire cela avec darktable dans la vidéo en introduction de cet article.
Les aurores boréales peuvent être particulièrement lumineuses. Votre premier plan risque alors de se retrouver sous-exposé par rapport au ciel.
Rééquilibrez le tout à votre goût.
3. Correction de la balance des blancs
Dans darktable, utilisez maintenant le module "calibration des couleurs" pour réaliser une adaptation chromatique. Elle va vous permettre de diminuer des dominantes qui pourraient masquer certaines nuances colorées.
Vous allez pouvoir par exemple révéler les tons verts de la base de l'aurore s'ils sont noyés par une grosse dominante rouge ou magenta, ce qui est courant pour les aurores visibles aux basses latitudes.
Avec Lightroom, ce sont les curseurs de "Température" et de "Teinte" qui vous permettront de régler tout ça.
4. Amélioration du contraste et de la saturation
Pas grand-chose à faire ici.
Diminuez un peu les ombres et augmentez les tons moyens et les hautes lumières à votre convenance pour obtenir le contraste souhaité.
Vous pourrez faire ça dans les réglages de base de Lightroom ou grâce à l'outil de "brillance perceptuelle" du le module "Balance couleur RVB" de darktable.
Dans ces mêmes modules vous pouvez aussi pousser un peu la vibrance et/ou la saturation. Mais c'est vraiment optionnel. Attention à ne pas virer vers des rendus "bonbons fluos" 😉
Et vous pouvez éventuellement booster un peu le contraste local avec le module du même nom de darktable ou les curseurs de "structure" de Lightroom.
Et votre retouche devrait être finie 🙂
Patience et organisation
Dans l'hémisphère nord, l'activité aurorale se concentre aux hautes latitudes. Mais régulièrement il est possible de faire des observations émouvantes et de superbes photos à des latitudes bien plus basses, et même en France métropolitaine.
Le magnifique phénomène naturel des 10 et 11 mai 2024 et l'avalanche de photos d'aurores boréales qu'il a engendré l'a de nouveau prouvé.
Et pas sûr qu'il faille encore attendre 10 ans pour qu'il se reproduise.
Tout le monde peut capturer en temps réel ces magnifiques interactions entre le soleil et notre atmosphère. Avec une appli pour avoir les alertes et les conseils photo de cet article vous devriez pouvoir vous aussi sauter sur l'occasion dès qu'elle se représentera.
Alors soyez prêt·e, et bonne chasse aux aurores 🙂