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Photographier le chevreuil : votre première image animalière ?

Photographier le chevreuil est parfait pour se lancer dans la photo animalière. Notre petit Capreolus capreolus (le nom scientifique du chevreuil) coche toutes les cases :

  • C'est un sujet qui permet de faire de belles images.
  • C'est un animal sauvage répandu.
  • Observer le chevreuil est assez facile.
  • il n'est pas (trop...) difficile à photographier.

Alors si vous cherchez un premier sujet animalier à vous mettre dans l'objectif, tenter de photographier le chevreuil est fait pour vous.

Pour autant, on parle bien ici d'un animal sauvage et craintif, qui ne va pas prendre la pose spontanément devant votre appareil photo. Il ne faut pas rêver non plus 😉

Mais si vous suivez les étapes que je vous propose dans cet article, vous devriez rapidement sortir vos premières images de chevreuil.

Alors c'est parti !

Le chevreuil mâle est le brocard.

Le chevreuil mâle est le brocard.

#1 Connaître Le chevreuil.

C'est la première chose à faire quand vous souhaitez observer puis photographier un animal sauvage : bien le connaître. C'est un poncif de la photographie animalière, mais le répéter ne fait pas de mal : les connaissances naturalistes sont la base d'une bonne photo.

Pas la peine non plus de devenir un spécialiste es Capreolus capreolus pour faire de bonnes images. L'objectif est de photographier le chevreuil et on va se concentrer sur les informations utiles pour l'observer, l'approcher puis lui tirer le portrait.

Juste un point vocabulaire auparavant :

  • le mâle chevreuil est le brocard,
  • la femelle chevreuil s'appelle la chevrette,
  • le petit des deux est le faon (de chevreuil).

Et un second point morphologie :

  • le chevreuil est petit : 70 cm au garrot max. En photo c'est important, car il émerge difficilement des hautes herbes.
  • Il est léger : 25 kg à la louche.
  • la chevrette est plus fine que le brocard, en particulier au niveau de l’encolure.

Brocard et chevrette possèdent une tache blanche sur les fesses, le miroir. Il est en forme de cœur chez la femelle, en forme de haricot orienté vers le bas chez le mâle (mais sa forme et son intensité varient au gré des saisons et des mues).

Les mâles comme les femelles chevreuils présentent une sorte de "moustache", des taches noires de part et d'autre du museau.

Voilà, avec ça impossible normalement de confondre le chevreuil avec la biche du cerf (Cervus elpaphus), qui pèse au moins trois fois plus lourd et qui n'a ni moustache ni miroir blanc au derrière.

mâle et femelle chevreuil

À gauche le mâle et à droite la femelle. La photo est très mauvaise (extraite d'une vidéo de piège photo) mais on voit tout de même nettement la différence de forme des miroirs. L'un pointe vers le bas, l'autre vers le haut

Quand sortent les chevreuils ?

Le chevreuil présente deux périodes d'activité principales dans la journée : une en début de journée et une seconde en fin de journée. C'est à ces moments-là qu'il va quitter son lieu de repos (la "remise") pour rejoindre une zone de nourrissage (le "gagnage").

C'est un rythme qu'il partage avec le cerf et pas mal d'autres mammifères et que vous avez sans doute déjà remarqué lors de vos balades ou de vos trajets en voiture : c'est à ces horaires-là que vous pouvez apercevoir au loin les chevreuils dans les champs ou dans les prairies.

Pour vous, photographe, cela veut dire que vous devez :

  • Réaliser vos repérages des traces et empreintes en pleine journée (on va en parler après),
  • prévoir vos séances photo de bonne heure le matin et/ou dans la soirée.
La femelle chevreuil est la chevrette

Femelle chevreuil de bon matin dans une coulée forestière

Lors des périodes chaudes et estivales, quand les jours sont longs, le chevreuil peut aussi s'activer en milieu de journée. Difficile ici de vous donner des horaires précis... il m'est arrivé en été de me faire "aboyer" dessus en repérage aussi bien à midi qu'à 15 heures.

Car oui, le cri du chevreuil est un aboiement. Et il l'utilise fréquemment. Lorsque chevreuil fâché, lui toujours aboyer ainsi (si vous avez la ref 😉 ).

Parole de spécialiste :

Yannick HAYART - Photographe animalier

Dans cette interview, Yannick HAYART vous explique comment réaliser de magnifiques photos de chevreuil.


Repérage, approche, affût, matériel photo, attitude à adopter... Yannick vous donne tous ses meilleurs conseils pour réussir vos premières images de chevreuil.


Où se cachent les chevreuils ?

C'est un autre avantage du chevreuil qui en fait un bon candidat à une première approche de la photo animalière : il fréquente des zones très variées et faciles d'accès.

Tant qu'il dispose d'une zone boisée pour s'abriter et des endroits où se nourrir, tout lui convient (jusqu'à 1000 mètres d’altitude environ).

Vous avez forcément à côté de chez vous un site qui héberge des chevreuils. Pas besoin de parcourir des kilomètres pour trouver un endroit propice. C'est un point important, car vous aller devoir vous rendre régulièrement sur le site choisi.

Le chevreuil est donc un bon élève niveau bilan carbone : il permet de pratiquer la photo animalière en circuits courts 🙂 Un animal local dans un environnement local 🙂

Il n'y a guère qu'en Corse que le chevreuil est absent, et dans certaines zones localisées du sud de la France (delta du Rhône). Si vous voulez en avoir plus sur la répartition du chevreuil, le site de l'INPN vous fournira de nombreux détails.

Les meilleurs endroits pour rencontrer puis photographier le chevreuil sont donc des paysages variés : des petits bois qui alternent avec des praires et des champs, les lisières des grands massifs, les larges clairières au milieu des forêts...

Ce sont donc ces milieux-là que vous choisirez pour rechercher et observer les chevreuils (c'est l'étape d'après).

Chevreuil mâle

En été, le miroir peut prendre une couleur très rousse.

La vie du chevreuil au fil des saisons

Là aussi on va se concentrer sur les informations les plus utiles pour photographier le chevreuil. Et en particulier sur son cycle de reproduction.

Pourquoi ?

Parce que c'est la connaissance de ce cycle qui va vous indiquer les périodes pendant lesquelles faire des photos de mâles portant leurs bois, celles pendant lesquelles vous pouvez observer et photographier les comportements amoureux du chevreuil et les moments les plus sensibles pendant lesquels il vous faudra redoubler de vigilance pour ne pas le déranger.

  • Le rut du chevreuil, la période de reproduction, a lieu au plus fort de l'été, de mi-juillet à mi-août à peu près. C'est à ce moment que vous pourrez observer et photographier les comportements territoriaux des mâles et les poursuites avec les chevrettes.
  • Au cours de l'automne, les brocards perdent leurs bois. En général pendant le mois de novembre, parfois en décembre. C'est variable d'un chevreuil à l'autre. Alors même si les bois commencent à repousser immédiatement, pas la peine d'espérer photographier un chevreuil mâle largement "coiffé" à cette période.
  • À la fin de l'hiver, les bois des chevreuils ont complètement repoussé et c'est à cette période que vous pourrez photographier les mâles "en velours". En février/mars les bois ont en effet atteint leur taille quasi définitive (entre 20 et 30 cm) mais le tissu spécial qui les entoure, le velours, est toujours présent. C'est cette "peau" qui est responsable de la fabrication des bois : ils ne poussent pas par la base. Personnellement je trouve les chevreuils très beaux à cette époque de l'année.
  • C'est ensuite au printemps que les chevrettes mettent bas, en général un ou deux faons. En avril/mai. C'est une période très sensible pour les femelles, comme pour les biches du cerf d'ailleurs. À cette période je m'interdis d'entrer dans les parcelles et je reste systématiquement sur les chemins. Je vous invite à en faire de même. Tant pis pour la photo trop mignonne du petit faon couché dans les herbes.

Voila, la boucle est bouclée : des accouplements en été aux naissances au printemps, en passant par la chute et la repousse des bois chez les mâles.

Et là vous vous dîtes peut-être "waouh ça fait 9 ou 10 mois de gestation ce calendrier-là" C'est beaucoup pour un petit cervidé de 25 kg non ?

Eh bien oui, la reproduction du chevreuil comporte une spécificité : la diapause embryonnaire. Très vite après la fécondation, l'embryon se met en pause. Son développement s’arrête. Il va rester en stand-bye pendant tout l'automne et ne s'implanter puis reprendre sa croissance qu'au début de l'hiver.

Et voilà comment, même en s'accouplant en été, le chevreuil arrive à synchroniser les naissances à la période la plus propice, le printemps.

Pour photographier le chevreuil cette précision ne sert à rien, mais vous pourrez toujours tenter de placer le mot "diapause embryonnaire" au cours d'un dîner ?

Chevreuil en pelage d'été

Un jeune brocard en pelage d'été et au top de sa forme.

Est-ce que le chevreuil change de pelage ?

Oui.

Le chevreuil possède un pelage d'hiver, plutôt brun-gris, et un pelage d'été marron-roux. Il mue de l'un à l'autre au début du printemps et à l'amorce de l'automne. Donc si vous voulez photographier le chevreuil dans sa belle livrée rousse, c'est d'avril à septembre que ça se passe. Mais en version gris-brun les chevreuils sont très beaux aussi 😉


On pourrait en tartiner des lignes sur sa biologie, mais avec les infos ci-dessus vous avez l'essentiel pour préparer vos observations et vos séances photo du chevreuil.

Il est temps de rentrer dans le vif du sujet :

#2 Repérer le chevreuil dans la nature, en 3 étapes.

Étape 1 : trouver où aller photographier le chevreuil.

Dans cette première étape, vous allez donc répondre à la question "où est-ce que je vais chercher les chevreuils".

Il vous faut en effet d'abord choisir sur le papier plusieurs sites potentiellement intéressants. C'est dans un second temps que vous irez directement sur le terrain pour confirmer (ou pas) la présence de l'animal à chaque endroit coché.

Pour photographier le chevreuil, l'idéal serait de finalement trouver deux ou trois sites de présence confirmée, avec des orientations et des environnements différents. Donc à ce stade précoce de votre recherche, n'hésitez pas à retenir un nombre important de zones qui vous paraissent intéressantes sur la carte. Vous en éliminerez de toute façon bon nombre ensuite, au gré de vos repérages sur le terrain.

Il se peut que vous ailliez déjà observé des chevreuils à l'occasion d'une ballade ou de vos déplacements en voiture ?

C'est le cas le plus simple. Vous avez déjà de super sites candidats pour amorcer la phase suivante de repérage de terrain. Vous pouvez en ajouter d'autres évidemment.

Petite astuce : vous l'avez peut-être déjà constaté, le chevreuil est facilement visible depuis la voiture, dans un champ ou le long d'un petit bois. Commencer par sillonner en voiture la campagne la plus proche peut vous permettre d'observer facilement des chevreuils et vous donner de précieuses infos sur les endroits où faire des images par la suite. Si vous gardez une allure constante (et que vous restez bien sur la route : soyez vigilants et n'allez pas finir dans le fossé !) les animaux ne vous identifieront pas comme un danger et ne s’enfuiront pas.

Chevreuil mâle mange des herbes

Un chevreuil mâle dans son sous-bois favori.

Si vous partez de zéro et que vous n'avez aucune idée de l'endroit où aller pour photographier le chevreuil, alors à vos cartes papier et autres sites internet qui vont vous donner moult idées de sites à prospecter !

Une ressource incontournable pour cela est le site de l'IGN, le Géoportail.

Avec cet outil, vous pouvez afficher les fameuses cartes TOPO 25 et les images aériennes. En passant d'une vue à l'autre, vous pourrez repérer les zones de nature proches de chez vous qui correspondent aux critères de choix des chevreuils : des petits bois touffus, des prairies, des champs et idéalement un massif forestier important pas loin.

Les parcelles forestières ouvertes et les larges clairières peuvent aussi être intéressantes. Mais attention alors à la hauteur de la végétation : le chevreuil culmine à 70 cm au garrot, il dépasse peu des herbes hautes et des buissons. Gare aussi à la lumière qui peut vite disparaître derrière les arbres aux heures de sortie des chevreuils.

Il est primordial aussi que vous puissiez accéder à la zone choisie sans faire craquer toutes les feuilles mortes de la forêt...

C'est d'ailleurs une remarque assez générale. Essayez de vous faciliter la tâche en retenant des sites auxquels vous pourrez accéder le plus discrètement possible : en silence et sans vous faire voir (possibilité de longer une haie, une lisière...).

Cela peut paraître de l'enfonçage de portes ouvertes, mais ça va toujours mieux en le disant 😉

Geoportail IGN

Le géoportail de l'IGN : la référence pour prospecter.

Étape 2 : aller sur le terrain confirmer la présence de l'ami Capreolus.

C'est la partie "chasse aux indices".

Elle se mène de préférence en pleine journée, quand les animaux sont généralement à l'abri pépères dans les sous-bois. C'est logique : si vous allez batifoler dans les lisières fréquentées par les animaux pile quand ils ont des chances de s'y trouver, ils risquent fort de changer de cantine ! Et vous les aurez dérangés pour rien...

Donc une fois que vous avez identifié les zones favorables autour de chez vous, il va falloir les passer une à une au peigne fin pour vous assurer que les chevreuils aussi les trouvent à leur goût.

Et pour le vérifier, c'est pas sorcier : une zone fréquentée par les chevreuils comporte des indices de présence. S'il y a beaucoup d'indices c'est que la zone est très fréquentée, si vous ne trouvez rien alors passez à la zone suivante. Plutôt simple non ?

Mais avant de partir bille en tête battre la campagne, il vous faut un petit peu d'équipement :

  • Une tenue neutre. Pas la peine de vous déguiser en buisson, mais choisissez tout de même des vêtements qui se fondent dans la nature.
  • Les jumelles (pas obligatoires, mais c'est toujours mieux avec).
  • Le smartphone avec une bonne application de cartographie dessus pour noter les points intéressants.
  • Un double-décimètre ou un pied à coulisse pour mesure les empreintes et les crottes.
  • Éventuellement un bon guide des traces (crottes, empreintes...).

Mais quels sont les indices que le chevreuil laisse et qui vont vous révéler sa présence ?

Les coulées

Ce sont des "sentiers" empruntés par les animaux pour se déplacer sur leur espace de vie. Vous les remarquerez aux herbes rabattues ou à la piste tracée sur le sol. Le problème est qu'elles sont rarement spécifiques : des animaux différents peuvent utiliser une même coulée.

Donc trouver des coulées c'est bien, cela prouve que le site est accueillant pour la faune sauvage. Mais comme c'est le chevreuil en particulier qui vous intéresse il va falloir investiguer un peu plus.

Renard dans une coulée de chevreuil

Renard dans une coulée de chevreuil

Les moquettes du chevreuil

Quel nom charmant pour désigner des crottes !

Elles sont déposées en chapelets de petits grains noirs allongés en forme d'obus. Ces "moquettes" ressemblent comme deux gouttes d'eau aux "fumées" des cerfs et des biches (au passage, si vous savez qui a donné ces noms aux excréments des animaux dîtes le moi dans les commentaires, je suis curieux de savoir...).

C'est la taille de ces petits obus qui va vous permettre de faire la différence entre le cerf et le chevreuil : 2 à 2,5 cm de long pour le cerf contre 1 à 1,5 cm pour le chevreuil. À vos pieds à coulisse 😀

Crottes moquettes de chevreuil

Moquettes de chevreuil (source wikimedia, je n'ai jamais pensé à les photographier !)

Les empreintes de chevreuil

Le chevreuil est un ongulé qui marche sur le bout de deux doigts (l'équivalent du majeur et de l'annulaire chez nous).

Il possède donc des sabots (les ongles hypertrophiés au bout des doigts) qui laissent des traces assez symétriques : une partie pour chaque ongle. C'est joli, l'empreinte forme ainsi une sorte de cœur. La pointe du cœur indique la direction de déplacement de l'animal.

Là encore, c'est essentiellement la taille de l'empreinte qui va permettre de faire la différence entre le cerf et le chevreuil. Ressortez le double-décimètre : l'empreinte du chevreuil mesure entre 3 et 5 cm de long, celle du cerf adulte peut atteindre les 10 cm.

Par contre, différencier l'empreinte d'un chevreuil de celle d'un jeune cerf ou d'une biche peut relever du casse-tête. Pour résoudre le mystère il faut pouvoir mesurer la longueur du pas : moins de 40 cm c'est le chevreuil, plus de 40 cm c'est un cerf ou une biche. Pas toujours évident.

Les frottis caractéristiques des chevreuils

Les mâles frottent leurs bois contre les arbres à deux périodes de l'année. En fin d'hiver pour se débarrasser des velours, et en période de délimitation des territoires et du rut. Sous l'effet de la testostérone, ils peuvent alors carrément simuler des combats contres de jeunes arbres souples ! 

À chaque fois ils en profitent pour marquer le lieu de leur odeur (ils possèdent une glande pour cela, justement entre leurs bois). Ces rituels laissent des traces, des zones écorcées sur les troncs.

Mais ne cherchez pas ces traces sur les gros fûts : le chevreuil s'attaque à des arbres à sa mesure, c'est à dire petits. Moins de 5 cm de diamètre en général. Les frottis des brocards sont caractéristiques : si vous trouvez une zone d'écorce grattée sur un jeune arbre à moins de 60 cm de haut, c'est qu'un chevreuil mâle est dans les parages.

Les cerfs aussi frottent les arbres. Mais les marques laissées sont d'une toute autre ampleur et plus hautes sur l'arbre. Pas vraiment de confusion possible avec le petit Capreolus.

Les couchettes des chevreuils

Le chevreuil est un animal casanier et routinier (encore des qualités qui en font un bon client pour photographes).

Il passe pas mal de temps à ruminer ou à coincer la bulle sur de petites placettes. Mais comme il est en plus soucieux de son confort, il dégage les végétaux de l'endroit où il souhaite se poser. Vous pourrez peut-être observer ces petites zones de terre nue au sol : c'est une couchette de chevreuil.

Chevreuil mâle champ

Le chevreuil est petit : il dépasse souvent à peine des hautes herbes et des céréales.

Étape 3 : observer vraiment le chevreuil.

À ce stade de votre quête du chevreuil, après avoir écumé la campagne, vous avez dressé votre short-list de sites et vous nourrissez de sérieux espoirs d'une séance photo très prochaine.

Certes.

Mais il reste une phase incontournable à accomplir : voir réellement les animaux aux endroits cochés et prospectés !

Oui, la photo animalière est une école de la patiente.

Vous pourriez être tenté·e de sauter cette étape et de passer directement à la phase photographique de votre plan. Le risque est alors de passer quelques heures à ne rien voir, ou de vous apercevoir que les chevreuils sortent en réalité à l'autre coin du bois, par une petite coulée que vous n'aviez pas repérée ! Et vous auriez risqué un dérangement des animaux, trimbalé le matériel photo et installé l’affut pour rien. Je suis sûr que ce n'est pas ce que vous voulez ️;-)

Évidemment, un coup de chance est toujours possible, mais mieux vaut ne pas trop y compter.

Le plus sûr est donc de venir observer les lieux discrètement et à bonne distance (200 mètres minimum), à l'heure que vous avez prévue pour vos futures images. Et plusieurs fois. Vous devrez être un minimum camouflé·e, immobile, vent de face par rapport à l'endroit observé et muni·e de vos simples jumelles.

Et là problème : tout ça prend du temps ! Surveiller un site quelques heures par soir peut déjà être compliqué, mais se dédoubler pour observer plusieurs endroits est simplement impossible.

Heureusement il existe une solution pour vous remplacer là où vous ne pouvez aller et rendre cette phase d'observation des chevreuils plus efficace et nettement plus simple.

Ce sont les pièges photographiques. Ils font pour vous ce travail d'observation 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Et sans se plaindre des crampes ou du mauvais temps ni déranger les animaux. J'ai écrit deux articles à leur sujet : un sur le choix du piège et ses réglages, et un spécialement consacré à leur pose.

camouflage photographie chevreuil

Le camouflage pour passer inaperçu au yeux du chevreuil : tenue qui se fond dans le décor et filets de camouflage.

À ce stade de la lecture (bravo d'être ici !) vous avez toutes les infos de base pour des repérages efficaces et pour localiser les spots qui promettent de bonnes photos de chevreuil. Vous allez pouvoir passer à la partie photographique 🙂

#3 Photographier le chevreuil, enfin !

Alléluia :

3142 mots après le début de cet article arrive enfin la partie photo ! J'ai essayé de faire moins, j'ai pas réussi 😉

Eh oui, ça représente bien ce qu'est la photographie animalière : connaitre et observer d'abord pour pouvoir photographier ensuite.

Attaquons cette partie par le plus important : tout ce qui va vous permettre de ne pas être repéré·e par les animaux.

Femelle chevreuil fuite

Si jamais le chevreuil perçoit votre présence, ce sera la fuite. Adieu les photos. (Photo Andreas Krappweis)

Comment bien vous installer à l'affût ?

Je vous déconseille vivement d'utiliser l'approche pour commencer à photographier le chevreuil. L'affût est pour moi la méthode idéale pour sortir de bonnes photos, naturelles. C'est aussi l'affût qui peut vous réserver les plus belles surprises et les images les plus rapprochées.

Pour la recette d'un bon affut pour un·e photographe et les Capreolus du soir il vous faut :

  • un petit siège pliant léger,
  • un ou deux filets de camouflage en tissu (ceux en plastique font vraiment du bruit),
  • une dizaine de pinces à linge en bois,
  • votre matériel photo.

Avec tout ça :

  • Approchez à bon vent et discrètement de l'endroit où vous comptez installer votre cachette.
  • Pour un affût du soir, installez-vous une heure environ avant le coucher du soleil (l'affût le matin est plus délicat, pas idéal je pense pour commencer).
  • Utilisez la végétation pour vous "nicher" dans une haie, un buisson...
  • Refermez la cache en fixant vos filets à la végétation grâce aux pinces à linge. Par exemple un filet vertical devant et l'autre comme vous pouvez au-dessus de vous.
  • Laissez juste une fente pour faire poindre l'objectif photo et vous permettre d'observer la zone.
Femelle chevreuil faon

Cette chevrette et son jeune de l'année sont sortis des herbes à 30 mètres de mon affût sans y prêter attention.

Voila, vous êtes prêt·e !

Mais n'oubliez pas que le chevreuil a des sens aiguisés comme des lames.

Il peut vous sentir à 200 mètres si le vent lui est favorable. Soyez très vigilant·e sur ce point.

Le chevreuil est aussi doté de deux oreilles paraboliques qui lui permettent de localiser un son avec une précision redoutable. Silence de mise dans l'affût, et discrétion maximale (pas toujours simple...) au cours de votre approche et lors de l'installation.

Enfin, ne croyez pas les médisants qui racontent que les cervidés ont une mauvaise vue. Les cerfs et les chevreuils ne distinguent pas autant de couleurs ni de détails que nous, mais ils sont très sensibles aux formes, aux contrastes et aux mouvements.

Donc, évitez de rejoindre votre poste d'affût en traversant un champ nu sur lequel votre silhouette de bipède va mettre toute la région en alerte 😉

En revanche, pas de craintes concernant l'affût lui-même : les chevreuils ne vont pas l'associer à une forme dangereuse connue et vont l'ignorer complètement. Et c'est ça la magie de l'affût, justement.

Quel matériel pour photographier le chevreuil ?

chevreuil champ

Pépère dans son champ, avec la vue bien dégagée pour voir venir les dangers.

L'objectif

Pour photographier le chevreuil l'outil incontournable est un téléobjectif, comme toujours en photographie animalière.

200 mm est un minimum. Il vous permettra de réaliser des images de chevreuil dans son environnement, et pour peu que vous ayez choisi votre site avec soin vous pouvez sortir des photos très sympas.

Mais c'est tout de même un peu court. Le chevreuil est un petit cervidé et des focales plus longues seront évidemment plus confortables.

Problème : l'ouverture doit aussi être la plus grande possible car les conditions de lumière aux heures de sortie du chevreuil sont plutôt faiblardes... Donc oui le 400 mm f/2.8 est idéal, mais utopique pour 99,9% d'entre nous.

Alors ce que j'ai envie de vous dire, c'est faites avec ce que vous avez comme matériel et essayez d'en contourner les limites en étant créatifs ! Avec une focale courte essayez de trouver de beaux fonds d'ambiances, tentez des contre-jours, pourquoi pas des filés des animaux en mouvement... Imaginez, tentez 🙂

Et si l'ouverture de votre zoom 150-600 mm est un peu limite et vous oblige à monter dans les ISO, dîtes-vous qu'un peu de bruit n'a jamais tué une photo et que vous pourrez améliorer les images en post-traitement. Surtout si vous prenez vos images en RAW.

L'appareil photo

Le meilleur appareil photo est... celui que vous avez. Je ne vais pas me lancer dans l'analyse du boîtier idéal pour photographier le chevreuil alors que de toute façon on ne change pas d’appareil photo tous les quatre matins. Et qu'en matière de matériel il y a souvent autant d'avis que de photographes 😉

Juste deux petits remarques toutes personnelles si vous prévoyez de passer prochainement une commande au papa noël et que vous avez très envie de photographier le chevreuil :

  • les capteurs format APS-C sont bien pratiques avec leur coefficient multiplicateur de x1,5
  • les hybrides et leurs obturateurs électroniques parfaitement silencieux sont formidables en affût.

Le pied photo

Incontournable en affût pour le chevreuil comme pour toutes les autres espèces. Inutile pour débuter de bazarder votre vieux pied et d'investir dans un modèle carbone custom à double carénage ! Ce qui compte le plus, c'est la rotule.

Vous pourrez vous en sortir et suivre les mouvements des animaux avec une classique tête photo ou une rotule ball, mais un système de type tête vidéo ou pendulaire (cette dernière au prix d'un rein) vous apportera bien plus de confort et de réactivité.

Les réglages pour la photographie animalière au coucher du soleil

Le triangle d'exposition

Il est aussi important à mon sens que le matériel pour obtenir une bonne photo de chevreuil (techniquement parlant).

LE paramètre crucial est la vitesse d'obturation : visez au moins 1/500e de seconde pour être assuré·e d'avoir des photos sans flou de mouvement, même si les animaux se mettent à gambader ou à sauter.

Et comme vous voulez aussi un joli flou d'arrière-plan, vous allez ouvrir le diaphragme au maximum.

Si le fond est très éloigné, vous pouvez être tenté·e de fermer d'un cran pour obtenir plus de piqué de la part de votre objectif. Au prix d'un peu plus de bruit à cause de la montée en ISO provoquée. Pourquoi pas.

En tout cas, vous voulez fixer la vitesse à une valeur sûre et l'ouverture comme vous la souhaitez. Et utiliser les ISO comme variable d'ajustement. C'est donc une mission pour le mode manuel M.

Voilà, cette partie est donc réglée : je vous conseille de choisir le mode M, de fixer votre vitesse et votre ouverture aux valeurs choisies et de mettre les ISO en auto.

Et roule la collection de belles images de chevreuils.

L'autofocus

Là pas de débat : autofocus continu (Servo chez Canon, AF-C chez les autres).

Et pour le réglages de la détection, soit vous avez un hybride dernier cri et vous profitez de la détection des yeux des animaux par l'intelligence artificielle (forcément), soit vous avez un appareil moins récent et vous choisissez un collimateur unique que vous placez sur la tête de l'animal (ou sur l’œil si vous y parvenez).

Petite astuce : sur beaucoup d'appareils vous pouvez découpler la mise au point du déclencheur pour l'affecter au bouton "AF-on" à l'arrière du boîtier. Ça s'appelle la technique du "back-button focus". Vous pouvez tester, c'est très pratique en photographie animalière. Mais entraînez vous avant, ça demande un peu d'habitude.

Vous pouvez découvrir en détail cette technique sur le blog.

La cadence d'images

Allez, on enfonce une porte ouverte ensemble ? Pour photographier le chevreuil c'est le mode rafale qui s'impose.

Pour autant allez-y mollo avec les cadences de dingues des derniers appareil reflex et hybrides. D'abord parce que ça peut faire du bruit et alerter les animaux, et ensuite parce qu'il va falloir les trier de retour à la maison, ces centaines d'images de Capreolus. Et que c'est bien du temps passé devant l'ordi à choisir entre 5 photos souvent quasi identiques...

Enfin n'hésitez pas, si vous avez envie de profiter des conseils d'un photographe expérimenté qui vous emmène directement sur le terrain, il y a peut-être pas loin de chez vous un naturaliste comme Yannick qui propose des stages pour photographier le chevreuil ?

Si vous êtes arrivé·e à ce stade de la lecture de ce long guide complet sur la photographie de chevreuil bravo ! Vous êtes prêt·e à vous lancer dans la recherche, l'observation et la photographie du chevreuil. Sautez la pas sans hésitation, c'est un animal attachant et parfait pour une première expérience de la photo animalière.

Et puis ces heures passées à observer et à photographier les animaux sauvages vont vous apporter bien plus que des images : le bonheur de vous immerger au contact de la nature.

Et ça, ça vaut toutes les photos du monde.


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  • Merci pour ce guide très qualitatif ! Je n’en ai jamais encore vu lors de mes sorties, mais je tâcherai de repérer les moquettes la prochaine fois !

  • Article trés intéressant et trés complet.Il a aussi le mérite d’etre trés clair. Passionné par ces animaux , j’en photographie assez souvent , mais le plus difficile , selon moi , reste de ne pas se faire repérer !!

    • Merci Jacques,
      Oui c’est la grosse difficulté, rester indiscernable pour les animaux. L’affût reste la meilleure solution pour cela. Ça demande plus de temps mais cela réserve des moments magiques 🙂

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