10 pistes pour donner du style à vos photos

Comment réaliser des photos qui ont du style et qui sortent du lot ? Dans cet article je ne vous donne pas des conseils ou des astuces. C'est un sujet bien trop subjectif en photo pour cela.

Je vous livre simplement les 10 pistes suivantes que vous pouvez explorer pour donner un petit supplément de style à vos images :

Mais au fait, pourquoi se poser la question du style en photo ?

Une raison objective et une seule pour donner un style unique à vos photos ?

1500 milliards

C'est le nombre de photos qui sont prises chaque année. Hallucinant.

100 millions, c'est le nombre d'images postées sur Instagram quotidiennement. Sans les stories si à la mode.

Comment, en tant que photographe, vivez-vous cette profusion d'images ? Je demande, parce que j’entends parfois râler un peu autour de moi.

Ce qui est sûr, c'est que des photos dont le style sortaient de l'ordinaire il y a 30 ans sont devenues terriblement banales aujourd'hui.

Prenez ce "petit nacré" photographié en 1994. En argentique. Une image qui a été exposée et qui a eu son quart d'heure :

Cette photo est toujours sympathique aujourd'hui (ok, le scan du tirage n'est pas au top), mais elle a complètement perdu sa capacité à faire s'extasier les spectateurs et spectatrices.

Il n'y a plus l'effet "Waouh ! Et comment tu as fait cette photo ?". Les appareils numériques et toutes les aides aux photographes sont passés par là.

Et puis mettez un coup de pied dans Instagram et 8230 photos de petits nacrés vont tomber. Dans Google pareil. Beaucoup de ces photos auront plus de style que mon image un peu figée et convenue prise il y a 30 ans.

Et c'est une excellente chose.

Cela prouve que les images que beaucoup de photographes ne pouvaient pas réaliser avec un reflex argentique et une pellicule de 36 poses leur deviennent accessibles.

Et c'est très bien ainsi.

Mais si les bonnes photos d'hier sont les images banales d'aujourd'hui, comment passer un petit cran supplémentaire ? Comment donner à vos images cette petite touche stylée qui va les faire sortir du lot et vous apporter plaisir et fierté ?

Je vous propose quelques pistes photographiques.

Le capteur de votre appareil offre une multitude de possibilités créatives que vous pouvez exploiter. Par exemple prendre plusieurs clichés puis les compiler pour obtenir un style particulier.

Je vous donne trois exemples d'images dont le style n'aurait jamais pu être obtenu autrement qu'en numérique.

Le style HDR

Ce coucher de soleil tout d'abord. C'est une photo HDR avec son style caractéristique très soyeux, très modelé. Il s'agit ici de 5 photos enregistrées avec des expositions différentes. Ainsi toutes les couleurs de l'image, des plus lumineuses aux plus sombres, sont parfaitement retranscrites.

L'empilement pose longue

Idem pour cette photo "circumpolaire" : elle a nécessité l'empilement de 40 images pour capter le mouvement des étoiles autour de Polaris (le petit nom de l''étoile polaire).

Et pour appuyer encore le style hivernal et décharné du paysage forestier autour de la solitude de la croix, j'ai passé le tout en noir et blanc.

L'exposition multiple

Pour les images HDR et les circumpolaires il faut dans 99% des cas passer par la case logiciel de post-traitement. À l'inverse, l'exposition multiple peut donner un superbe style pastel à votre photo dès la prise de vue.

Le principe est simple : vous prenez deux images à la suite l'une de l'autre, et la seconde photo vient se "sur-imprimer" sur la première. Cela demande un peu de pratique, mais le style obtenu est magique.

Petite astuce : prenez votre sujet principal lors de la première photo, et superposez au même endroit une zone très sombre pour la deuxième image.

Vous pouvez ainsi capter en une seule photo l'ambiance "intégrale" d'une scène et décliner le style à l'infini.

Voici le style obtenu par exemple avec une image d’Argus printanier.

Première photo pour le papillon. Seconde photo pour les bulles de lumières dans les feuillages environnants. Le tout assemblé directement sur place par l'appareil dans le fichier raw.

Une photo déjà plus stylée que mon petit nacré en argentique de 1994 non ?

Les capteurs photos sont présents dans de nombreux types d'appareils différents : des pièges automatiques, des drones, des GoPro et autres caméras d'action...

Ces appareils sont de plus en plus accessibles et permettent des images créatives et souvent spectaculaires.

Bien souvent le style de photos produit est unique. C'est vrai bien sûr pour un drone pour des raisons évidentes. Ça l'est aussi avec les pièges photos et les caméras d'action qui sont équipés de grand-angles. Ils produisent des photos qui peuvent radicalement changer de l'ordinaire.

Ce n'est pas pour rien que le festival de Camargue vient a récompensé deux années consécutives des images prises au drone. Et le lauréat du wildlife photographer of the year 2021 a remporté son prix grâce à un piège photo automatique (catégorie "animal dans son environnement").

C'est aussi avec cette technique qu'Olivier de Danieli a capté ses merveilleuses images de loups dans les Alpes, présentée lors du prestigieux festival de Montier-en-Der.

Prenez donc le contre-pied des images vues et revues.

99 % des photos animalières sont prises dans le milieu naturel ? Alors partez dénicher la nature là où on ne l'attend pas. Elle se glisse partout, la preuve.

99 % des images sont en couleur ? Balancez de beaux noirs et blancs bien épurés et contrastés. Style courant en photo de rue ou en portrait, encore rare en photo animalière et, plus encore, en macro.

99 % des photos sont prises en pleine journée (grosse erreur...) ? Sortez les reflex et les hybrides aux heures où les smartphones sont couchés. Captez la douceur de l'heure bleue, la beauté de l'aube.

99% des photos sont nettes (ou essayent de l'être) ? Faites des photos floues, comme les très beaux paysages de l'ami Manu Munier.

Bon, j'arrête les exemples, vous avez l'idée je pense. C'est sans fin 😉

Il faut être original, trouver sa voie, développer un style bien à soit. On l'entend tellement dans le milieu de la photo.
Oui, bien sûr. C'est la finalité.

Mais il y a une façon complémentaire de voir les choses : copier, c'est progresser.

Copier d’autres photographes n'est pas tricher. On est plus à l'école… C'est s'inspirer d'artistes reconnus pour créer quelque chose de nouveau et de personnel.

Si vous allez faire un tour au Louvre, il y a de bonnes chances pour que vous tombiez sur des étudiant·e·s des beaux-arts en train de reproduire des œuvres de grands maîtres.

Et si vous avez appris le piano ou la guitare, vous avez sans doute commencé avec les partitions de Chopin ou avec les tablatures d'Éric Clapton. Pourquoi ?

Parce que cela vous permet de maîtriser des bases techniques et artistiques tout en vous faisant rapidement plaisir avec un rendu prouvé et approuvé.

Eh bien c'est la même chose en photographie.

Si vous voulez progresser, essayez de reproduire le style des meilleurs : regardez leurs photos, analysez leurs compositions, leurs utilisations de la lumière et des couleurs. Essayez de comprendre ce qui rend leurs images si bonnes, puis utilisez ces éléments pour améliorer vos propres photos.

Donc allez-y à fond sans complexes. Inspirez-vous de vos artistes préféré·e·s.

Et pas uniquement de photographes, d'ailleurs.

Exemple avec la photo ci-dessous.

Pourquoi, selon moi, le style de cette image fonctionne bien ?

Parce que j'ai tenté de copier un type d'image classique, celui de la peinture hollandaise du 17e. On a toutes et tous en tête les magnifiques paysages des maîtres flamands.

On est en terrain connu. Nos références ne sont pas bousculées.

Ensuite, c'est la douceur des tons que j'ai voulu reproduire dans cette photo. Pas de couleurs criardes mais une large palette d'ocres, d'oranges et de tons chauds dans les arbres.

Même le ciel qui vient contraster avec le reste de la photo conserve une grande pudeur : il se voile de nuages comme s'il ne voulait pas perturber l'image.

La lumière joue ici un rôle central : c'est elle qui a tout fait, je l'ai simplement captée. Le soleil rasant d'un matin de janvier évite les ombres dures qui auraient gâché le tableau.

Cette lumière est le véritable sujet de la photo. Comme dans les peintures flamandes. Oui j'ai copié.

J'ai fait dans le style photo "à la manière de...". Et je l'explique en publiant cette photo.

Le format d’une photo fait partie intégrante de la composition et du style de l’image.

Il doit bien rester quelques irréductibles anti-recadrage adeptes du « bord noir ». Mais autant cela peut s’entendre pour de la photo de rue ou de reportage, autant en photo nature il serait dommage de vous priver de recadrer et même de changer complètement le format d’image par pur principe.

Donner à votre photo finale un aspect différent des classiques 3:2 et 4:3 fait aussi partie intégrante du processus créatif. Que vous l’ayez prévu ou non dès la prise de vue importe peu.

Et réaliser des séries de photo dans un format original peut vous permettre d’affirmer votre style, votre patte. Et de coller parfaitement au thème de votre photo :

• la symétrie et la rigueur du format carré,
• la plénitude apportée par les larges panoramas horizontaux,
• le style dynamique des cadrages verticaux
• ... c'est sans fin.

Une manière de vous démarquer si vous souhaitez participer à un concours photo ?

Mais attention, les images au format originaux c'est comme les bouteilles de liquoreux dans la cave : il ne faut pas en avoir trop, même si ça fait du bien d'en sortir une de temps en temps 🙂

Les travaux d’Alfred Yarbus datent de 1965. Ils sont fondamentaux pour vous, photographes.

Non je n’ai pas pris de substances spéciales pour écrire ce paragraphe. C’est bien dans mon état normal que je vous parle d’un psychologue soviétique de l'après-guerre.

Vous allez vite comprendre pourquoi.

A. Yarbus a été précurseur dans l’utilisation de l’oculométrie, le "eye tracking" en anglais : le suivi du déplacement des yeux lorsque nous sommes placés devant une scène.

Qu’est-ce que ces travaux, ceux du pionnier Yarbus et tous les suivants, contiennent d’important pour votre style à vous, photographe ?

Eh bien ils montrent que quand vous regardez une image, votre cerveau effectue d’abord une analyse globale, un peu en mode flash. Ensuite seulement vos yeux vont balayer la scène plus méthodiquement à la recherche de points particuliers, des accroches.

Si vous n’en trouvez pas, l’image apparaît un peu vide, un peu plate.

Les points d’accroche les plus puissants sont les humains et les visages (les yeux en particulier) et les animaux.

Les endroits de forts contrastes, les zones de hautes lumières et celles avec des couleurs très marquées sont aussi des éléments forts qui retiennent l’attention et le regard.

Vous pouvez donc placer harmonieusement dans votre photo ces points d’accroche et les lignes qui y mènent afin que les personnes soient captées par votre image et la parcourent en détail. Ça, c’est l’art de la composition.

Si vous réussissez une bonne composition, vos spectateurs et spectatrices vont prendre le temps qu’il faut pour donner du sens, pour construire une interprétation personnelle, pour se demander ce qui a bien pu se passer après la photo…

Pour vous bingo, c’est gagné, votre photo fonctionne. En plus d'être belle et bien composée, elle a du style.

Alfred Yarbus et al. déboulent ici derechef avec une seconde information capitale en photographie : la recherche par vos yeux des fameux points d’accroche est fortement influencée par les informations qui ne sont pas dans l’image mais qui lui sont directement liées.

En clair, une explication, une consigne, un texte, un titre, un slogan ou même un simple contexte. Diffusés en même temps que la photo. Annexés à elle.

Il existe donc un moyen puissant pour guider vos spectateurs et spectatrices vers ces éléments d’accroche et les y scotcher : ajouter des mots.

Pas besoin d’être un·e pro de la plume.

Si la punch-line ou l’envolée lyrique ne sont pas vos spécialités, racontez simplement l’histoire de la photo. Soyez vous-même, sincère. Donnez quelques infos sur le site ou l’espèce photographiée, avec un petit détail marquant.

Cela peut être plus simplement quelques éléments de contextes, un haïku, ou tout ce qui vous inspire ou qui vous fait plaisir.

En panne d'inspiration ? Posez une question. Ça fonctionne toujours.

Dans cet article par exemple, quatre photographes vous expliquent que vos photos aussi peuvent contribuer à sensibiliser à la protection de la Nature.

C'est un exemple parmi d'autres illustrant les bons mots possibles à ajouter à une image : si vous avez réalisé une photo engagée, les mots vont vous permettre de renforcer le message visuel et de convaincre votre audience.

Quel que soit leur mode de diffusion, un petit bout de texte bien inspiré peut décupler l’impact de vos photos tout en reléguant au second plan leurs éventuelles imperfections techniques.

Une image imparfaite peut donc avoir du style quand même. Et ça, c'est à la fois rassurant et motivant.

L'image ci-dessous a été prise en été à 4 heures du matin aux portes de la Beauce. En direction de Chartres.

Publiée avec un court message sur la pollution lumineuse à l'intention de la ville et de sa métropole personne n'a relevé le principal défaut technique de cette image : la mise au point qui s'est décalée quand j'ai déplacé mon trépied (toujours re-vérifier...).

Alors que si j'avais publié cette image uniquement pour elle-même, avec un message neutre, j'aurais peut-être eu des remarques sur le manque de netteté des étoiles. Parce que pour les habitués des ciels nocturnes, ça se voit bien.

Accompagnée des mots qui vont bien, la photo devient donc une partie d'un tout (le message) plus important que la seule image.

Et les éventuels défauts passent au second plan.

Définir votre intention photographique, c’est simplement répondre à la question : « pourquoi je fais cette photo » ? Et ce n’est souvent pas si simple de répondre autre chose que « je prends cette photo parce que la scène devant moi est belle ».

C’est déjà pas mal 😉 Mais on peut aller plus loin. Peut-être le faites-vous déjà ?

L’intention photographique pose en effet la question du message qu’on veut transmettre : qu’avez-vous envie que les spectateurs et spectatrices ressentent devant vos images ?

Donnez de temps en temps un supplément de sens à vos photos. Interrogez-vous sur votre "intention photographique". Sans prise de tête, juste en trouvant le bon équilibre entre le sens de la démarche et l'indispensable plaisir à photographier.

D'après Ansel Adams "on ne prend pas une photo, on la construit". L'intention photo fait partie de la construction d'une image.

Et au final, quand vous savez pourquoi vous faites une photo, le style de vos images s'en ressent largement. C’est ce qu’il faut retenir.

D’ailleurs, c’est bien ainsi que procèdent les pros dont je vous donne des exemples dans cet article.

Vincent Munier avait écrit qu'avec la Panthère des neiges il voulait

"célébrer la beauté plutôt que de creuser le désespoir"

Et la Panthère est devenue célèbre, tout comme le "style Munier". Intention photo respectée.

Quand on est photographe, il y a parfois des photos qu’on se construit mentalement.

Est-ce que ça vous arrive ?

C’est d’abord dans votre esprit que peuvent se placer les éléments, le sujet et le contexte d'une image qui va refléter presque parfaitement votre style.

Peut-être ce pic épeiche qui après avoir nourri ses petits s’envole de sa loge toutes plumes à contre-jour ? Le paysage parfait avec une mer de nuage au lever du soleil ?

La photo qui m’obsédait était celle d’un cerf la nuit juste éclairé par la lune. En mode silhouette minimaliste. Ce n’était pas un pur produit de mon imagination : cette scène, je l’avais vu déjà. Mais impossible d’en tirer une image.

Il faut dire que beaucoup d’éléments doivent être réunis : un cerf bien placé, une nuit de pleine lune, pas un nuage... Et techniquement on est dans du costaud. Mise au point manuelle en pleine pénombre, trépied, télé, ISO au max, vitesse basse.

Un jour, tout s’est enfin aligné. Il était 4 heures du matin, la lune était quasi pleine et sa lumière inondait la campagne en lisière de massif. Le sol réfléchissait le tout.

J’étais planqué, assis tranquillement à bon vent devant une prairie.

À cet endroit le paysage se poursuit en pente très douce jusqu’à un petit chemin en léger surplomb. Juste assez rehaussé pour que la silhouette du grand cerf qui s’y est engagé se découpe magistralement sur fond de ciel.

Incroyable apparition. Et une photo au style très affirmé. On aime ou pas, mais elle laisse rarement indifférent.