À l’heure où le marché du matériel photo retrouve des couleurs, l’annonce imminente du Canon EOS R6 Mark III agite les sites « matos » et les forums spécialisés.
C’est tout un segment stratégique qui s’apprête à bouger encore — celui des hybrides plein format dits « milieu de gamme ».
Sauf qu’à presque 3 000 €, ce milieu commence à ressembler à un sommet pour beaucoup de photographes.
L’occasion de faire le point sur cette gamme de boîtiers qui cristallise à la fois les attentes les plus exigeantes… et quelques belles frustrations.
Un lancement clé pour le Canon EOS R6 III
Avec le R6 III, Canon viendra répondre à Nikon (avec son Z6 III) et pourrait ainsi griller la politesse à Sony, qui tarde à renouveler son A7 IV.
Cette v3 viendra remplacer le Canon R6 II. Sorti en novembre 2022 ce R6 II connait depuis un succès mérité. C’est tout simplement l’un des meilleurs appareils proposés chez Canon. Avec un excellent rapport performance / prix.
Pour l’eos R6 III les rumeurs évoquent un capteur CMOS empilé de 24 Mpx, hérité du Canon R3, un nouveau processeur DIGIC Accelerator, une stabilisation jusqu’à 8,5 stops, une vidéo 4K120p et même de la réduction de bruit par IA embarquée. Le tout dans un boîtier aux airs familiers, pensé pour les photographes « nature, sport, famille et terrain ».
Une annonce prévue pour mai 2025, si l’on en croit Canon Rumors.
Mais entre les 33 Mpx de l’actuel Sony A7 IV (et sans doute plus encore pour la v5 à venir), les performances vidéo du Lumix S5 II ou la vélocité du Nikon Z6 III, le Canon R6 III aura-t-il de quoi faire la différence ?
Le vrai sujet : un segment hautement stratégique

Au-delà des spécifications des boitiers, c’est bien la place de chaque grande marque qui se joue en ce moment, dans un environnement très concurrentiel.
Ce que les constructeurs appellent pudiquement le « milieu de gamme » est en réalité le cœur du marché plein format. Celui qui vise les photographes amateurs avancés, les pros en quête de second boîtier (ou même d’un boitier principal à coût raisonnable), et les passionnés prêts à casser leur tirelire.
C’est là que se joue la fidélisation à une monture, à une marque, à un écosystème optique. Là aussi que les attentes sont les plus ambivalentes : on veut de la performance… sans payer le prix d’un Z9, d’un R1 ou d’un A1.
Sauf que ce « milieu » s’élève. À quasi 3 000 € le boîtier nu (tarif probable du R6 III), on est quand même à 2 fois le SMIC. Et ce, sans objectif. Même un 70-200 mm f/4 vous propulse à 4 500 € de budget.
On a vu plus accessible pour un segment censé rester « raisonnable ».
Canon sous pression : entre rattrapage et continuité
Canon a longtemps dominé les ventes reflex. Mais sur l’hybride, la firme a tardé à basculer. Depuis 2020, elle a largement comblé son retard avec une série R désormais complète et cohérente.
Restent des critiques concernant sa stratégie de monture fermée (pas de compatibilité avec Sigma, Tamron…), et les tarifs élevés de ses optiques. En particulier celles de la série L qui ont vocation à équiper des boitiers du niveau du futur EOS R6 III.
Le R6 II demeure une référence en animalier comme en reportage tout-terrain ou en vidéo. Mais la concurrence est devenue féroce. Le Nikon Z6 III a marqué les esprits avec son capteur semi-empilé, ses rafales à 120 i/s et son autofocus hérité des Z9/Z8.
Sony reste solide sur tous les fronts, et Panasonic progresse avec des boîtiers ultra-compétitifs, en particulier sur la vidéo.
Le R6 III devra donc frapper fort. Et juste.
Des specs prometteuses, mais un terrain glissant
Le capteur empilé serait une vraie avancée coté rolling shutter et dynamique. L’écran double charnière plaira aux créateurs de contenu. L’intégration d’outils IA directement dans le boîtier (débruitage, upscale, retouche) pourrait séduire ceux qui ont besoin de travailler vite. Mais tout cela a un coût.
Et c’est là que le bât blesse. Le NIKON Z6 III est sorti à 2 999 €, et beaucoup craignent un R6 III au-dessus. Si c’est le cas, que reste-t-il du « milieu de gamme » ?
Une guerre d’écosystèmes plus que de boitiers

Pour les photographes nature, cette gamme de boîtiers est souvent le compromis rêvé : suffisamment robustes et véloces pour l’animalier, pas trop lourd, pas « inaccessibles » financièrement comme la gamme des R5 et autres Z8 ou Z9.
Les R6 v1 ou v2 ont été adoptés par nombre d’entre nous pour leurs performances AF, leur stabilisation et leur robustesse.
Mais à ce niveau de prix, la fidélité a des limites. Surtout que Canon freine toujours des quatre fers pour ouvrir sa monture aux constructeurs tiers comme Sigma ou Tamron.
Sans parler des fabricants chinois ou coréens comme Samyang, Laowa ou Viltrox qui ont su atteindre des niveaux de qualité dignes des grandes marques historiques.
Le parc optique Canon RF pour hybrides a beau être riche désormais, ne pas pouvoir profiter complètement des optiques de ces marques est de plus en plus frustrant.
Un photographe nature, amateur ou pro, ne choisit pas seulement un boîtier. Il choisit un écosystème, une logique de marque. Et c’est peut-être là que Canon joue le plus gros.
Canon EOS R6 III : mission séduction
Sur le papier, si les rumeurs se confirment, le R6 III aura tout pour plaire.
Reste à savoir s’il saura maintenir l’attachement à la marque, au-delà de l’inertie des habitudes, et attirer de nouveaux utilisateurs dans l’écosystème Canon.
Car à 3 000 €, on attend plus qu’un bon boîtier. On attend une vision claire, un positionnement cohérent, et surtout une logique utilisateur.
C’est ce que Nikon a réussi avec le Z6 III et a bien compris avec l’ouverture progressive de sa monture. On peut faire confiance aussi à Sony pour, de son côté, continuer à creuser son sillon avec la série 7 et sa monture E largement ouverte.
Les enjeux de cette sortie du R6 III vont donc au-delà de l’annonce d’un nouveau boîtier, fusse-t-il le plus réussi du monde.
Car sur ce segment où les photographes passionnés font des sacrifices financiers, le marketing ne suffit plus. Il faut du concret, du robuste, de l’utile. Et peut-être… un peu plus d’ouverture comme c’était le cas à l’époque des réflex.
0 commentaire(s)