Crédit photo : Ian Woods | Wildlife Photographer of the Year
Ce n’est pas tous les jours qu’une photo de blaireau vous met une claque. Et pourtant, c’est ce qu’a réussi Ian Wood avec son image No Access, lauréate du prix du public au prestigieux concours Wildlife Photographer of the Year.
Retour sur cette photo qui a marqué la fin de l’année 2024.
Un animal nocturne, un décor urbain, un graffiti qui le représente… et un message puissant sur notre cohabitation avec la faune.
Pas de grand espace sauvage, pas de lumière dorée au lever du jour : ici, c’est un lampadaire, un mur tagué et un blaireau qui s’arrête net, comme interpellé par son double.
Une scène surréaliste, et pourtant bien réelle. Une image qui bouscule les codes et rappelle que la photographie animalière ne se limite pas aux sentiers forestiers.
Un refuge urbain pour la faune sauvage

L’image de Ian Wood fait mouche parce qu’elle capte un moment improbable, presque loufoque : un animal sauvage semble interpellé par sa propre représentation anthropocentrée. L’art urbain imite l’animal, et l’animal s’en étonne.
Mais derrière l’anecdote visuelle se cache une réalité plus sombre : la raréfaction des blaireaux en milieu rural dû au « culling » pratiqué en Angleterre. Cette pratique consiste à abattre massivement les animaux pour protéger les troupeaux de la tuberculose bovine, dont le blaireau est un des réservoirs.
« À ce rythme, on ne verra bientôt plus les blaireaux qu’en ville », alerte le photographe.
Le nouveau gouvernement anglais travailliste récemment mis en place a cependant annoncé vouloir revenir sur cette politique d’extermination des blaireaux. En plus d’être cruelle pour les animaux, elle a en effet largement échoué à protéger les troupeaux bovins de la maladie.
La photo, prise dans le Dorset, illustre ainsi une double tension : celle entre l’humain et l’animal, mais aussi entre le naturel et l’artificiel. Et c’est peut-être ce croisement qui lui vaut un succès populaire inédit — plus de 76 000 votes pour ce prix du public.
Photographier la faune urbaine : entre contraintes et révélations
Photographier un animal nocturne en milieu urbain n’est pas une mince affaire. Ici, la lumière ne vient pas du ciel, mais d’un lampadaire. L’arrière-plan, ce n’est pas une forêt, mais un mur tagué. Et le timing doit être millimétré. Pour capturer une scène comme celle-ci, il faut :
- connaître les habitudes de déplacement des animaux urbains (ici, un blaireau en maraude),
- anticiper les interactions possibles avec l’environnement humain (poubelles, murs, art de rue…),
- maîtriser la gestion de la lumière artificielle, souvent dure et directionnelle,
- travailler avec du matériel performant en basse lumière, sans flash intrusif.
Mais surtout, il faut savoir rester ouvert à l’imprévu. Parce que la faune urbaine ne se laisse pas mettre en scène. Elle s’invite. Elle surprend. Et c’est là toute la beauté du genre.
Un appel à renouveler notre regard
Cette image, saluée à l’unanimité, est bien plus qu’un “joli moment” figé. C’est un appel à sortir de nos zones de confort photographiques. À poser le trépied ailleurs que dans la rosée du matin. À explorer ce qui se passe sous les réverbères et entre deux palissades. Parce que la nature ne s’arrête pas aux lisières des forêts.
Et si l’on en croit la communauté des photographes nature, cette approche séduit de plus en plus. Forums, réseaux sociaux, portfolios… les images de renards, d’oiseaux ou de hérissons urbains affluent.
Et avec elles, une photographie de nature moins carte postale, plus politique, plus ancrée dans nos réalités quotidiennes.
Entre art, message et instinct
Avec No Access, Ian Wood prouve qu’une photo peut être belle, drôle, troublante, et engagée à la fois. Sans effet de manche. Sans texte militant. Juste avec un blaireau, un mur, et une coïncidence qui en dit long.
Et si c’était ça, le futur de la photo nature : documenter le réel tel qu’il est — urbain autant que rural, décalé, parfois tragique — mais toujours vivant ?
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