Crédit photo de couverture : Rod Sot
Faire par exemple une pose longue sans trépied, sans filtre ND et sans post-traitement.
C’est ce que promettent aujourd’hui les nouvelles fonctions « Live ND » ou « Live Composite » intégrées à certains boîtiers (OM-1, Fujifilm X-S20, Sony, Panasonic…).
L’équivalent de ce que proposent depuis longtemps des applis smartphone comme « ReeHeld », pour n’en citer qu’une.
Concrètement dans le cas de la pause longue, l’appareil empile une rafale d’images prises à des vitesses rapides, qui normalement ne permettent pas d’avoir ce rendu « pose longue ».
Puis il les assemble pour produire l’effet tel qu’on le connait : filets d’eau, ciels soyeux et nuages filants… le tout sans avoir à visser de filtre ni à s’encombrer d’un trépied.
Et ce type de fonctionnalités basées sur les capacités sans cesse croissantes des appareils boostés à l’IA n’est qu’un exemple. Les outils de photographie « computationnelle » embarqués dans nos appareils se multiplient depuis des années :
- Empilement d’images (stacking) pour réduire le bruit numérique ou optimiser la netteté
- Mode HDR (High Dynamic Range) pour gérer automatiquement les forts contrastes lumineux
- Panoramas automatisés avec assemblage d’images
- Filtre Live ND (jusqu’à ND128) pour simuler numériquement les filtres à densité neutre
- Fonction Live GND (gradient de densité neutre) pour équilibrer le ciel et le premier plan
- Décalage du capteur (Pixel Shift) pour réaliser des images très hautes définitions
Sans parler du « Live Composite » qui permet d’ajouter progressivement à l’image les zones lumineuses successives (comme des étoiles ou le ressac de la mer) tout en gardant le reste de la scène figé.
Sur le papier, ça paraît génial. En pratique, la question se pose : est-ce que ça fait encore partie de la photo, ou est-ce qu’on commence à trop déléguer à la machine et à perdre le contrôle ?
Un pas de plus vers l’uniformisation ?

Sur le fond, on pourrait se réjouir de ces nouvelles possibilités : moins de matériel, moins de contraintes.
Des effets difficiles à obtenir auparavant sont désormais accessibles en quelques clics.
Et puis les smartphones ne nous ont-ils pas habitué à des photos nettes, bien exposées, et (presque) toujours réussies, même à la volée ?
De quoi libérer la créativité ?
Franchement, ça se discute.
Car derrière le « wow » immédiat de l’image qui s’affiche progressivement sur l’écran, on sent aussi poindre une forme d’uniformisation des photos : mêmes approches, mêmes algorithmes et, au final, mêmes rendus.
Autre risque : celui de photographier « sans y être ».
Le danger n’est pas que la machine fasse des belles images. Le danger, c’est qu’elle les fasse à notre place. Qu’on en oublie d’attendre la bonne lumière. Qu’on n’apprenne plus à composer avec les contraintes du terrain. Qu’on pense moins, qu’on sente moins, qu’on construise moins.
Et puis, soyons honnêtes : même si c’est bluffant, une « fausse » pose longue manque parfois de ce petit quelque chose. Ce grain. Cette douceur naturelle. Ce flou progressif et la lumière qui se dépose.
Tout n’est pas toujours reproductible, même avec 32 images empilées.
À chacun de tracer sa ligne
Le photographe Chris Baitson dans sa vidéo ci-dessus sur l’OM-1, qui m’a donné envie d’écrire cette brève, le dit très bien : pour lui, la photographie computationnelle est un gain de temps, une aide, pas une fin en soi.
Il nous dit qu’il préfère photographier que retoucher, comme beaucoup d’entre nous j’imagine.
Il utilise donc les outils à disposition, mais en tentant au maximum de garder la main sur sa vision. Et c’est peut-être ça le vrai sujet.
La question, vieille comme Hérode, n’est pas de choisir entre traditionnel ou moderne.
C’est de savoir ce qu’on veut raconter, et comment on veut y arriver. Si la technologie aide à exprimer ce regard, tant mieux. Mais si elle devient une fin en soi ou un recours automatique, alors c’est peut-être là qu’on perd quelque chose.
Et vous, où placez-vous le curseur ?
Photographie computationnelle, HDR en un clic, pause longue sans filtre, effets magiques générés à la volée… Ces outils deviennent omniprésents. Et parfois bluffants, il faut le reconnaître.
Mais entre gain de confort et perte de contrôle, entre créativité assistée et automatisation paresseuse, la frontière est mince. Très mince.
Perso — et tant pis si ça fait vieux de la vieille — je reste attaché à une certaine forme de lenteur. Une image, chez moi, c’est toujours en deux temps : d’abord la prise de vue, avec ses contraintes, ses lumières imparfaites, ses erreurs parfois.
Puis le temps du traitement, de l’interprétation. Ce moment où je prend la main sur les images, sans que ce soit l’appareil qui décide pour moi.
Mais je suis curieux. Curieux de savoir ce que vous en pensez.
Vous avez testé ces nouvelles fonctions « Live ND », ou les empilements automatiques ? Est-ce que ça vous inspire, ou est-ce que ça vous laisse un peu froid ? Est-ce que ça change votre manière de photographier ?
Dites-moi tout en commentaire. Je vous lis.
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